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Xénophane et l’unicité

Un seul principe, l’être total comme un, dieu unique.

dimanche 4 août 2024, par Marc Weikmans

Xénophane de Colophon, le maître de Parménide, suppose un seul principe ou considère l’être total comme un, ni limité, ni en mouvement, ni en repos. Selon lui, cet un universel, c’est le dieu. Il montre qu’il est unique, parce qu’il est plus puissant que tout.


  • Origine, vie, écrits
  • Doxographie générale
  • Doxographie détaillée
  • Fragments
  • Parodies
  • De la nature


    Origine, vie, écrits

    Xénophane, fils de Dexios, ou selon Apollodore [1] d’Orthomène, originaire de Colophon, fait l’objet d’un éloge de Timon : celui-ci parle en tout cas de Xénophane, presque exempt de vanité, dénonciateur des tromperies d’Homère.

    Chassé de sa patrie, il s’établit à Zancle de Sicile ; il vécut aussi à Catane. Selon certains, il fut le disciple de personne ; selon d’autres, il fut celui de Botôn d’Athènes, ou, selon quelques-uns, d’Archélaos. D’après ce que dit Sotion, il vivait à l’époque d’Anaximandre. Il écrivit des poèmes en vers épiques, des élégies et des iambes contre Hésiode et Homère en dénonçant ce qu’ils disent sur les dieux. Mais il récitait lui-même ses propres poèmes. On dit qu’il exprima des opinions opposées à celles de Thalès et à celles de Pythagore, et qu’il s’attaqua également à Epiménide. Il vécut très vieux, comme il l’atteste lui-même : Déjà sept et soixante sont les années qui ballottent mon inquiète pensée au long et au large de la terre de Grèce ; Depuis ma naissance, il y avait alors vingt-cinq ans à compter en plus, si du moins je puis parler de cela en toute exactitude.

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    Doxographie générale

    Il dit que quatre sont les éléments des choses qui sont, que les mondes sont en nombre infini, mais sans différenciation l’un par rapport à l’autre. Selon lui, les nuages se forment lorsque la vapeur causée par le Soleil se porte vers le haut et les soulève jusqu’à la région qui enveloppe le tout. L’être divin est de forme sphérique, il n’a rien de semblable à l’homme ; tout entier il voit, tout entier il entend, sans pour autant respirer ; dans a totalité, il est esprit, intelligence, et il est éternel. Il fut le premier à professer que tout ce qui vient à être est périssable, et que l’âme est un souffle.

    Il dit que la grande majorité des choses sont inférieures à l’intelligence ; et que rencontrer les tyrans, il fallait le faire le moins fréquemment ou le plaisamment possible. Empédocle lui ayant dit que le sage était introuvable, il lui répondit : C’est normal : car il faut être sage pour pouvoir reconnaître le sage.

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    Doxographie détaillée

    Simplicius [2]

    Théophraste dit que Xénophane de Colophon, le maître de Parménide, suppose un seul principe ou considère l’être total comme un, ni limité, ni infini, ni en mouvement, ni en repos. Car, cet un universel, c’est le dieu. Il montre qu’il est unique, parce qu’il est le plus puissant que tout ; car s’il y a plusieurs êtres, dit-il, il faut que la puissance soit également partagée entre eux ; or dieu, c’est ce qu’il y a de plus excellent et de supérieur à tout en puissance. Il est inengendré, parce qui naît doit naître soit du semblable, soit du dissemblable ; mais le semblable, dit-il, ne peut avoir ce rôle par rapport au semblable ; car il n’y a pas plus de raison pour que l’un, plutôt que l’autre, engendre ou soit engendré ; si d’autre part l’être naissait du dissemblable, il naîtrait de ce qui n’est pas ; c’est ainsi qu’il prouve la non-génération et l’éternité. L’un n’est ni infini ni limité, parce que, d’une part, l’infini c’est le non-être, puisqu’il n’a ni commencement, ni milieu, ni fin, que d’autre part ce sont les objets en pluralité qui se limitent réciproquement. Il supprime de même le mouvement et le repos ; car l’immobile c’est le non-être, qui ne devient rien d’autre, et que rien d’autre ne devient ; le mouvement, au contraire, appartient à la pluralité, car alors il y a changement de l’un en l’autre. Aussi, quand il dit que l’être reste dans le même état et ne se meut pas, il faut entendre cela, non pas du repos opposé au mouvement, mais de l’état stable, sans mouvement ni repos. Nicolas de Damas, dans son traité sur les dieux, le mentionne comme ayant dit que le principe est infini et immobile. D’après Alexandre, il l’aurait limité et de forme sphérique. Mais on a vu clairement comme il prouve la non-infinitude et la non-limitation ; la limitation et la forme sphérique sont indiquées lorsqu’il dit que l’être est semblable de tous côtés ; il dit encore qu’il pense toutes choses.
    Commentaire sur la Physique d’Aristote


    Aétius [3].

    Xénophane : le monde est inengendré, éternel, incorruptible. Les astres naissent de nuages enflammés ; ils s’éteignent chaque jour et se rallument la nuit comme des charbons ; leurs levers et leurs couchers sont en réalité des inflammations et des extinctions. Ces sortes d’astres, qui apparaissent sur les vaisseaux et que quelques-uns appellent les Dioscures, sont de petites nuées devenues lumineuses par un certain mouvement. Le Soleil appartient à cette catégorie de nuages enflammés. Théophraste, dans les Physiciens, a écrit que, pour Xénophane, le Soleil est formé de la réunion d’étincelles provenant des exhalaisons humides.

    Un soleil s’éteint ; il s’en forme un autre au levant. Il a parlé d’une éclipse de Soleil ayant duré un mois entier et encore d’une éclipse complète, qui aurait fait du jour la nuit.

    Il y a plusieurs soleils et plusieurs lunes suivant les climats, les régions et les zones de la Terre ; à certains moments le disque tombe sur une région non habitée de la Terre et, comme il serait inutile, il se produit une éclipse. Xénophane dit encore que le Soleil va à l’infini, mais il paraît tourner, à cause de la distance.

    Le Soleil est utile pour la naissance et le bon maintien de l’univers et des êtres vivants qui le peuplent ; la Lune non.

    La Lune est un nuage feutré. Xénophane : la Lune a sa lumière propre. La disparition mensuelle de la Lune est due elle aussi à l’extinction.

    Tout cela (comètes, étoiles filantes, etc.) est constitué par la formation ou le mouvement des nuages enflammés.

    Les éclairs proviennent des nuées que le mouvement rend lumineuses. C’est de la chaleur du Soleil, comme cause principale, que proviennent tous les météores. Celui-ci pompe l’humidité de la mer ; l’eau douce, en raison de sa légèreté, se sépare, puis se résolvant en brouillard forme des nuages ; par suite de l’épaississement la pluie tombe, à moins qu’elle ne se dissipe en vents.
    Extrait de Les Penseurs grecs avant Socrate


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    Fragments

    SILLES [4]

    Puisque tous, dès le début, ont appris d’Homère. Homère et Hésiode ont attribué aux dieux tout ce qui chez les mortels provoque opprobre et honte : vols, adultère et tromperies réciproques.

    Ils ont raconté sur le compte des dieux beaucoup d’actes contraires aux lois : vols, adultères et tromperies réciproques.

    Les mortels s’imaginent que les dieux sont engendrés comme eux et qu’ils ont des vêtements, une voix et un corps semblable aux leurs.

    Oui, si les bœufs et les chevaux et les lions avaient des mains et pouvaient, avec leurs mains, peindre et produire des œuvres comme les hommes, les chevaux peindraient des figures de dieux pareilles à des chevaux, et les bœufs pareilles à des bœufs, bref des images analogues à celles de toutes les espèces animales.

    Les Éthiopiens disent de leurs dieux qu’ils sont camus et noirs, les Thraces qu’ils ont les yeux bleus et les cheveux rouges.

    Les dieux n’ont pas révélé toutes choses aux hommes dès le commencement ; mais, en cherchant, ceux-ci trouvent avec le temps ce qui est meilleur.

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    PARODIES

    C’est près du feu, en hiver, qu’allongé sur un lit moelleux, le ventre bien garni, en buvant du vin doux, en mangeant de temps à autres des pois chiches, il faut se poser ces questions : à quelle race appartiens-tu ? quel âge as-tu, mon brave ? quel âge avais tu lors de l’invasion des Mèdes ?

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    DE LA NATURE

    Il n’y a qu’un seul dieu, maître souverain des dieux et des hommes, qui ne ressemble aux mortels ni par le corps ni par la pensée. Tout entier il voit, tout entier il pense, tout entier il entend. Mais c’est sans aucun effort qu’il meut tout par la force de son esprit. Il reste toujours, sans bouger, à la même place et il ne lui convient pas de passer d’un endroit à un autre.

    Tout sort de la terre et tout retourne à la terre. La terre a pour limites, en haut, ce que nous voyons à nos pieds, du côté de l’éther ; mais les parties inférieures s’enfoncent à l’infini.

    Tout ce qui naît et croît est composé de terre et d’eau. La mer est la source de l’eau et la source du vent. Car dans les nuages il n’y aurait pas de souffle de vent sans la mer immense ; non plus que cours d’eau, non plus que de pluies célestes ; c’est la mer immense qui donne naissance aux nuages, aux vents et aux fleuves.

    Le soleil qui s’élève au-dessus de la terre et qui la réchauffe. Ce qu’on appelle Iris (l’Arc-en-ciel) est aussi un nuage qui paraît naturellement violet, rouge et vert.
    C’est de la terre et de l’eau que nous naissons. Il n’y eut dans le passé et il n’y aura jamais dans l’avenir personne qui ait une connaissance certaine des dieux et de tout ce dont je parle< ; même, s’il se trouvait quelqu’un pour parler avec toute l’exactitude possible, il ne s’en rendrait pas compte par lui-même. Mais c’est l’opinion qui règne partout.

    Voilà ce qui m’a paru ressembler à la vérité.

    Tout ce qui s’offre à la vue des mortels.

    Si Dieu n’avait pas créé le miel brun, les hommes trouveraient les figues beaucoup plus douces qu’ils ne font.

    Extrait de Les Penseurs grecs avant Socrate.

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    [1Apollodore de Pergame (né vers 104 et mort vers 22 av. J.-C.), professeur de rhétorique du premier siècle av. J.-C., Il passe la majeure partie de sa vie à Athènes où il rédige des ouvrages d’érudition, dont une chronologie en vers iambiques pour la période allant de la guerre de Troie à 144 av. J.-C.

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    [2Philosophe néo-platonicien du VIème siècle apr. J.C. Après la fermeture de l’école d’Athènes par Justicien (529), il se rendit en Perse, revint en 532 à Athènes oùil écrivit et enseigna dans le privé. Il nous reste de ses écrits philosophiques, dans lesquels il essaye de concilier Aristote et Platon : Des commentaire sur mes Catégories, Sur les Traités de l’Âme et du Cil, Sur la Physique d’Aristote, Sur le Manuel d’Epictète. Défenseur du néo-platonisme, il réfute les thèses du christianisme (comme celle de la création du monde dans le temps) et fournit des éléments à saint Thomas, à propos d’Aristote. Il nous laisse bon nombre de citations et de commentaires d’auteurs anciens.

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    [3(Ier - IIe apr. J.C.) : doxographe, auteur d’un recueil d’Opinions des philosophes.

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    [4Sorte de parodie railleuse

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