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La Brabançonne

Les différentes versions qui se sont succédées depuis l’indépendance de la Belgique.

lundi 28 décembre 2015, par Marc Weikmans

  • Note liminaire.
  • Naissance de la Brabançonne
  • Histoire des Brabançonnes jusqu’à aujourd’hui.
  • 1830-1860

    Note liminaire.

    Je n’ai pas la prétention d’être un historien mais alors me direz-vous :"pourquoi cet article ?". Et bien, en ayant l’intention de joindre le chant patriotique belge dans la rubrique du même nom, je suis tombé sur plusieurs versions antérieures au 5 juin 1873 dont certains couplets diffèrent.

    Je controverse donc par cet article ce qui figure dans le site http://www.arquebusiers.be ayant pour titre : "La Brabançonnne" écrit par Marc Poelmans et mes recherches personnelles dont je fais référence ici : L’Histoire de la Brabançonne a été tirée en partie de l’intéressant ouvrage "Les Chasseurs - Chasteler et La Brabançonne", par Ch. Vandersypen, édité en 1881 par la Maison Bruylant-Christophe, Bruxelles ; du supplément du journal "Le Soir" et de notes particulières. G. Viatour dans "Étude sur l’Armée belge" Gand, décembre 1910.

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    Naissance de la Brabançonne

    De tous les airs joués pendant les fêtes, il en est un que l’on entend en d’autres occasions, lorsque l’un de nos athlètes nationaux monte sur la plus haute marche d’un podium, aux manifestations patriotiques, ou lors d’une réception à l’étranger d’un de nos dirigeants.

    Vous aurez tous compris que je veux parler de notre hymne national : LA BRABANÇONNE

    C’est un air assez méconnu des étrangers et dont peu de Belges connaissent encore les paroles que l’on apprend rarement encore dans les écoles.
    Il est vrai qu’à notre époque, on entend plus fréquemment le Vlaamse Leeuw ou le Tchant des Wallons.
    Alors, au risque de passer, avec fierté, pour un nationaliste, aujourd’hui où l’on parle beaucoup de fédéralisme, je vais vous rappeler, en bref, l’histoire de celle que tout Belge digne de ce nom salue.

    Je vous invite à retourner à l’époque où le Lion et le Coq chantaient de concert l’air devenu célèbre de "L’Amour sacré de la Patrie".

    À Bruxelles, au théâtre de la Monnaie, le 25 août à l’occasion des 59 ans du Roi Guillaume, a lieu la représentation de la Muette de Portici, opéra en 5 actes de Daniel Esprit Aubert , paroles d’Eugène Scribe et de Germain Delavigne, qui exalte les sentiments patriotiques.

    Cette œuvre qui transporte à la scène la révolte du peuple de Naples contre la domination espagnole au 17e siècle avait été exécutée avec succès à Paris deux ans auparavant.

    La similitude des situations fit que l’assistance se passionna pour Massianello, le pêcheur d’Amalfi, chef de l’insurrection.
    Le duo de l’Amour sacré de la Patrie chanté au deuxième acte dans la scène 2 par Massianello et son ami Pietro, avait échauffé un public enthousiaste.

    MASANIELLO et PIETRO
    Mieux vaut mourir que rester misérable !
    Pour un esclave est-il quelque danger ?
    Tombe le joug qui nous accable.
    Et sous nos coups périsse l’étranger !

    Amour sacré de la patrie
    Rends nous l’audace et la fierté
    A mon pays je dois la vie
    Il me devra la liberté


    Lorsqu’au troisième acte dans la scène 4 Massianello, joué par le ténor Lafeuillade, au son du tocsin, brandit une hache et chante :

    Va dire aux étrangers que tu nommes tes maîtres
    Que nous foulons aux pieds leur pouvoir inhumain
    N’insulte plus, toi qui nous braves,
    A des maux trop longtemps soufferts.
    Tu crois parler à des esclaves
    et nous avons brisé nos fers

    Le chœur reprend :

    Non plus d’oppresseurs plus d’esclaves,
    Combattons pour briser nos fers

    Les acteurs se lèvent en tirant leurs armes et désarment les soldats et le chœur chante :


    "Courons à la vengeance !
    Des armes, des flambeaux !
    Et que notre vaillance,
    Mette un terme à nos maux"



    La salle se leva répétant : "Aux armes, aux armes ! ".
    Ce cri courut comme une traînée de poudre dans la foule qui sortit du théâtre en hurlant :
    "Au National ! Au National ! "


    Se répandant dans les rues ils se dirigèrent tous vers les bureaux du journal pro-orangiste de Libre Bagnano, rédacteur principal du National, qui soutenait les prétentions du Roi Guillaume contre les libéraux et les catholiques belges coalisés. L’établissement fut saccagé tout comme les maisons du Ministre de la Justice Van Mannen, du Directeur de la Police et du Procureur du Roi Schuerrnans, tous partisans de la maison d’Orange.

    Le peuple belge d’alors en avait assez de subir les vexations et les inégalités, l’injustice et l’impôt.

    Déjà dans les rues, des mains anonymes avaient placardé des affiches sur lesquelles on pouvait lire :

    SAMEDI : ILLUMINATIONS
    DIMANCHE : FEU D’ARTIFICE
    LUNDI : REVOLUTION"


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    Histoire des Brabançonnes jusqu’à aujourd’hui.

    Le chant national de la Belgique de 1830 « La Brabançonne » est l’œuvre d’un jeune acteur français, Hippolyte-Louis-Alexandre Dechez, dit « JENNEVAL », né à Lyon, le 9 pluviôse de l’an IX (29 janvier 1801). Tout enfant, DECHEZ fit preuve de grandes dispositions pour les travaux intellectuels. Il fit ses études à Paris, au collège Henri IV, où il se lia avec le fils d’un des plus riches banquiers parisiens qui s’intéressa à lui et le prit comme employé dans sa maison. La besogne de bureau ne lui plaisait que fort médiocrement ; il s’y livrait depuis deux ans, quand la mort subite de son protecteur le priva de son emploi.

    Il mena quelque temps une existence assez précaire dans la société d’acteurs, de poètes et de peintres que son irrésistible passion pour les arts le poussait à rechercher. C’est alors qu’à l’insu de ses parents il embrassa la carrière dramatique et qu’il prit le nom de « JENNEVAL ».

    Il débuta sur la scène, en 1824, à Ajaccio, passa ensuite au théâtre de Marseille, et entra, en 1825, dans la troupe de l’Odéon à Paris, où il se fit remarquer dans les rôles de « jeune premier ».

    En 1827, il signa un engagement au théâtre de Lille pour la fin de la saison ; le 29 avril 1828, il fit sa première apparition sur la scène de la Monnaie à Bruxelles, dans le rôle de Victor des « Comédiens », de Casimir Delavigne. Ce fut un début à sensation, et dès ce jour JENNEVAL gagna les sympathies du public bruxellois.

    Il connut de réels succès dans le rôle du duc dans « L’intrigue et l’Amour ». Mais le rôle principal, qui lui valut son véritable triomphe, fut celui de Néron qu’il créa dans la tragédie de M. M. Soumet et Belmondet, intitulée : « Une fête de Néron », jouée pour la première fois à Bruxelles, le 29 mars 1830.

    La Comédie Française, ayant entendu parler des succès du jeune artiste, le fit venir à Paris. Il y joua les rôles d’Egisthe dans « Mérope », de Deval dans « Rivaux d’eux-mêmes » et de Folleville dans « Étourdis », et obtint des succès qui lui assuraient un engagement pour 1831. Dès le commencement, JENNEVAL prit une part active à la révolution belge. Le 27 août il se fit inscrire avec plusieurs de ses camarades du théâtre pour faire le service de la garde bourgeoise. Elle avait pour mission de maintenir l’ordre dans Bruxelles, en attendant la réponse de la Cour de Hollande à nos délégués, au sujet de certaines réformes. C’est à ce moment que JENNEVAL composa un poème de circonstance et l’intitula « La Bruxelloise » ; sur l’observation de l’éditeur JOREZ, il modifia ce titre en celui de « La Brabançonne ».

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    Voici la première version :

    Aux cris de mort et de pillage,
    Des méchants s’étaient rassemblés,
    Mais notre énergique courage
    Loin de nous les a refoulés.
    Maintenant, purs de cette fange
    Qui flétissait notre cité,
    Amis, il faut greffer l’Orange
    Sur l’arbre de la Liberté.

    Et toi, dans qui ton peuple espère,
    Nassau, consacre enfin nos droits ;
    Des Belges en restant le père
    Tu seras l’exemple des rois.
    Abjure un ministère étrange,
    Rejette un nom trop détesté,
    Et tu verras mûrir l’Orange
    Sur l’arbre de la Liberté.

    Oui, fiers enfants de la Belgique
    Qu’un beau délire a soulevés,
    A notre élan patriotique
    De grands succès sont réservés.
    Restons armés, que rien ne change,
    Gardons la même volonté,
    Et nous verrons fleurir l’Orange
    Sur l’arbre de la Liberté.

    Mais, malheur, si, de l’arbitraire
    Protégeant les affreux projets,
    Sur nous de canon sanguinaire
    Tu venais lancer des boulets !
    Alors tout est fini, tout change,
    plus de pacte, plus de traité,
    Et tu verras tomber l’Orange
    De l’arbre de Liberté.


    C’est chez l’imprimeur JOREZ que CAMPENHOUT trouva la poésie patriotique de JENNEVAL ; il l’emporta en déclarant qu’il se chargeait de la mettre en musique.

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    Le 12 septembre, l’œuvre commune de JENNEVAL et de CAMPENHOUT fut chantée sur la scène de la Monnaie par le ténor LAFEUILLADE et devint l’air national.
    Bientôt, pourtant, JENNEVAL modifia le texte de La Brabançonne qui devint le chant national de la Belgique :

    Voici la seconde version :

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    Qui l’aurais cru ?... de l’arbitraire,
    Consacrant les affreux projets,
    Sur nous de l’airain militaire,
    Un prince a lancé les boullets.
    C’en est fait ! Oui, Belges, tout change,
    Avec Nassau plus d’indigne traité !
    La mitraille a brisé l’Orange
    Sur l’arbre de la Liberté.

    Trop généreuse en sa colère,
    La Belgique, vengeant ses droits,
    D’un roi qu’elle appelait son mère,
    N’implorait que de justes lois.
    Mais lui, dans sa fureur étrange,
    Par le canon que son fils a pointé,
    Au sang belge a noyé l’orange
    Sous l’arbre de la Liberté.

    Fiers Brabançons, peuple de braves,
    Qu’on voit combattre sans fléchir,
    Du sceptre honteux des Bataves
    Tes balles sauront t’affranchir.
    Sur Bruxelles, au pied de l’archange,
    Ton saint drapeau pour jamis est planté,
    Et, fier de verdir sans l’Orange,
    Croit l’arbre de la Liberté.

    Et vous, objets de nobles larmes,
    Braves, morts au feu des canons,
    Avant que la patrie en armes
    Ait pu connaître au moins vos noms,
    Sous l’humble terre où l’on vous range,
    Dormez, martyrs, bataillon indompté !
    Dormez en paix, loin de l’Orange,
    Sous l’arbre de la Liberté.


    Pendant les fameuses journées de septembre, JENNEVAL fut un des plus vaillants. Il commandait un groupe de jeunes gens qui forma plus tard le noyau du corps franc des volontaires Chasteler.

    Dans la nuit du 14 octobre, JENNEVAL et le Comte Frédéric De Mérode quittèrent Bruxelles pour aller se joindre au lieutenant-colonel NIELLON, commandant les corps francs qui combattaient en ce moment aux avants-postes entre Louvain et Aerschot.

    En arrivant à Aerschot, ils apprirent que NIELLON avait pris la route de Lierre ; ils le suivirent et le rejoignirent dans cette ville. Le Comte De Mérode fut nommé commandant des volontaires de Campine et JENNEVAL chef d’état-maor. La petite troupe délogea les Hollandais de Lierre, mais quelques jours plus tard, les deux chefs furent tués dans une sortie. JENNEVAL paya de sa vie son dévouement à sa patrie d’adoption.

    Si la musique de La Brabançonne est toujours la même qu’en 1830, par contre le texte a subit des remaniements.
    Après la mort de JENNEVAL, son frère Hippolyte de Lamarche, qui était accouru en Belgique pour mettre, lui aussi, son bras au service de la cause de la Liberté, ajouta cette strophe touchante en l’honneur de JENNEVAL ;

    Ouvrez vos rangs, ombres des braves !
    Il vient, celui qui vous disait :
    Plutôt mourir que vivre esclaves !
    Et comme il disait, il faisait.
    Ouvrez vos rangs, noble phalange ;
    Place au poète, au chasseur redouté
    Il vient dormir loin de l’Orange,
    Sous l’arbre de la Liberté.

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    1830-1860

    Lorsque les anciennes inimitiés furent oubliées entre Belges et Hollandais, nombre d’auteurs adoptèrent les paroles nouvelles sur l’air de CAMPENHOUT. C’est ainsi qu’en 1860, à l’occasion du 29ème anniversaire de l’inauguration de Léopold 1er, Charles ROGIER nous gratifia d’un poème dont les paroles répondaient mieux au sentiment public de l’époque.

    La Brabançonne de Charles ROGIER est devenue la chant national officiel.
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    Le Chant National

    Après des siècles d’esclavage,
    Le Belge, sortant du tombeau,
    A reconquis par son courage
    Son nom, ses droits et son drapeau.
    Et ta main souveraine et fière,
    Peuple désormais indompté,
    Grava sur ta vieille chaumière :
    le Roi, la Loi, la Liberté.

    Marche de ton pas énergique,
    Marche de progrès en progrès
    Dieu qui protège la Belgique,
    Sourit à tes mâles succès.
    Travaillons : notre labeur donne
    À nos champs la fécondité,
    Et la splendeur des arts couronne :
    le Roi, la Loi, la Liberté.

    Ouvrons nos rangs à d’anciens frères,
    De nous trop longtemps désunis ;
    Belges, Bataves, plus de guerres,
    Les peuples libres sont amis,
    A jamais resserrons ensemble
    Les liens de fraternité,
    Et qu’un même cri nous rassemble :
    le Roi, la Loi, la Liberté.

    O Belgique, ô mère chérie,
    A toi nos cœurs, à toi nos bras,
    O toi notre sang, ô Patrie,
    Nous le jurons tous, tu vivras !
    Tu vivras toujours grande et belle,
    Et ton invincible unité
    Aura pour devise immortelle :
    Le Roi, la Loi, la Liberté.

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