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Marie de France

Poétesse médiévale et fabuliste

mardi 15 décembre 2015, par Marc Weikmans

Marie de France est une poétesse médiévale célèbre pour ses lais - sortes de poèmes - rédigés en ancien français [1]. Cet ancien français serait rédigé en anglo-normand qui par vulgarisation deviendra le Breton. Elle a vécu pendant la seconde moitié du XIIème siècle, en France puis en Angleterre, où on la suppose abbesse d’un monastère, probablement celui de Reading. [2]

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Son oeuvre examine l’amour courtois et relève de la matière de Bretagne.
Poétesse, elle rassemble des nouvelles en vers provenant des vieilles traditions bretonnes, auxquelles elle donne le nom de Lais [3].

Elle est la première femme écrivain française, mais on ne sait quasiment rien d’elle, si ce n’est ce qu’elle écrit elle-même dans l’épilogue de ses Fables : "Marie ai num, si sui de France" (J’ai pour nom Marie et je suis de France). Vivant probablement en Angleterre, liée à la cour d’Henri II Plantagenêt et d’Aliénor d’Aquitaine (ses Lais sont dédiés à un roi, sans doute Henri II), elle devait être originaire d’Île-de-France.

L’amour, le plus souvent en marge de la société (neuf des douze lais racontent des amours adultérines), est le sujet principal du recueil : le plus court mais peut-être le plus beau de ces textes, le Lai du chèvrefeuille, se rapporte ainsi à l’histoire de Tristan et Iseut. Plusieurs lais font intervenir le merveilleux, mais tous ont néanmoins le monde réel pour toile de fond.

Marie de France, avec un grand talent de conteur, ajoute une tonalité courtoise et poétique à la magie de la matière de Bretagne. Une discrète émotion se dégage de récits où l’auteur privilégie la pitié et la compassion pour ses personnages. Son style est d’une grande économie de moyens, caractérisé par la sobriété dans la composition du récit, un art très sûr de la mise en scène et l’efficacité d’une langue
simple et limpide.

Outre les Lais, Marie de France est aussi l’auteur d’un recueil de Fables (entre 1167 et 1189) qui est la première adaptation en français des fables ésopiques [4] connue, et L’espurgatoire de saint Patrice, qui propose une évocation détaillée des souffrances du Purgatoire, et s’inscrit dans la tradition des voyages vers l’Au-delà. En l’honneur de ce personnage, une école (française) a été fondée (Collège international Marie de France), Montréal, Québec, Canada.

Ses principales oeuvres sont :

  • Un recueil de 12 Lais : Ses 12 lais peuvent être classés en deux catégories : lais féeriques (Lanval, Yonec...) et lais réalistes (Eliduc, Le Laostic…).
  • Ysopets [5]
  • L’espurgatoire de saint Patrice

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    Jean de la Fontaine s’est largement inspiré des Isopets pour rédiger ses fables.

    Fable du Loup et de l’Agneau
    (XIIème siècle) Par Marie de France, traduit littéralement en prose.

    Ésope dit ceci du loup et de l’agneau, qui buvait à un ruisseau :

    Le loup à la source buvait, et l’agneau en aval était.
    Avec colère parla le loup qui était très querelleur.
    Par mauvaise humeur il lui parla : « Tu m’as, dit-il, fait grand ennui. »
    L’agneau lui à répondu : « Sire, et en quoi ? »
    « Donc, ne le vois-tu ? Tu m’as ici troublé cette eau : je n’en puis boire mon soûl. Aussi, je m’en irai, je crois,
    comme je vins, tout mourant de soif. »
    L’agnelet donc répond : « Sire, déjà vous buvez en amont : de vous me vient tout ce que j’ai bu ».
    « Quoi ! » fit le loup « m’outrages-tu ? »
    L’agneau répond : « Je n’en ai intention ».
    Le loup lui dit : « Je sais de vrai ; cela même me fit ton père, à cette source où j’étais avec lui, maintenant il
    y a six mois, comme je crois ».
    « Qu’en retirez-vous, fit-il, sur moi ? Je n’étais pas né, comme je crois. »
    « Et cela est parce que cela est », lui a dit le loup,
    « Maintenant me fais-tu contrariété ? C’est chose que tu ne dois pas faire. »

    Donc le loup prit le petit agneau, l’étrangle avec ses dents, et le tue.
    Ainsi font les riches voleurs, les vicomtes et les juges, de ceux qu’ils ont en leur justice.
    Faux prétextes par convoitise, ils trouvent assez pour les confondre, souvent ils font comparaître à leurs
    plaids, la chair ils leur enlèvent et la peau, comme le loup fit à l’agneau.


  • [1Cet ancien français serait rédigé en anglo-normand qui par vulgarisation deviendra le Breton.
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    [2Le Monastère de Reading, situé à l’Ouest de Londres, était le siège de l’Ordre de Cluny, un ordre bénédictin. Il a été fondé par Henry 1er (et où il fût inhumé) et est resté jusqu’à sa dissolution par Henry VIII sous le protectorat de cette dynastie. C’était aussi un lieu très réputé pour ses enluminures et un refuge pour nombre de nobles et écrivains de l’époque.
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    [3Les Lais ou Contes (v. 1160-1175) sont un recueil de douze courts récits en octosyllabes à rimes plates, de dimensions variables (des 118 vers du Chèvrefeuille aux 1184 vers d’Eliaduc) qui sont aux romans bretons ce que les nouvelles seront plus tard aux romans. Marie dit avoir écrit et "assemblés" ses textes à partir de "lais bretons". Un seul de ces lais est à proprement parler arthurien, le Lai de Lanval.
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    [4Ésopiques : d’Ésope le phrygien.
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    [5Isopets : De bonne heure, au Moyen Âge, se constituèrent des recueils de fables, appelés Isopets où Ysopets (du nom
    d’Ésope, alors présumé être l’inventeur du genre). Le plus souvent héritées de la culture gréco-latine, ces fables furent
    transmises jusqu’au Moyen Âge par deux voies distinctes. Une première version en vers latins est écrite par Phèdre au Ier
    siècle. Au IVème siècle après de nombreux remaniements en vers et en prose, cette version se stabilise et est appelée romulus. Les avionnets furent quand à eux compilés en vers grecs au IIème siècle par Babrius puis traduits en vers latins
    par Flavius Avianus au IVème siècle. Le plus célèbre de ces recueils, du XIIème siècle, a été composé par Marie de France.
    Jean de la Fontaine s’est largement inspiré des Isopets pour rédiger ses fables. (de l’écrivain grec Ésope)
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